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Hôpitaux Récit d’un combat historique

Les hôpitaux du Groupe Jolimont se sont mobilisés très tôt pour faire face à la «vague COVID-19». Alors que nul ne pouvait encore se douter des épreuves, souvent déchirantes, à venir. Pendant plus de deux mois, le personnel a mené une lutte de tous les instants.

1. Les premières heures

Lundi 2 mars. À l’issue des vacances de Carnaval, une semaine avant les premières consignes du Fédéral, les Directions des centres hospitaliers, alertées par les rapports de la progression du nouveau coronavirus en Belgique, décident de préparer l’arrivée des patients COVID-19. Des travaux d’isolation sont entamés sur les infrastructures et dans les locaux, notamment par le recours à des systèmes de bâches. Il est essentiel d’isoler les lits aux soins intensifs, pour empêcher toute contamination d’un patient à l’autre, et d’aménager les unités classiques qui accueillent les patients COVID-19, pour la même raison. Dans les jours qui suivent, les premiers cas arrivent à Mons...

2. Vers le confinement

Samedi 14 mars. Le Plan d’Urgence Hospitalier (PUH) est activé: il dicte aux hôpitaux belges les mesures à prendre durant la crise. Ceux du Groupe Jolimont, par prudence, avaient déjà spontanément décidé de suspendre les visites, de placer des plexis aux accueils, des solutions hydroalcooliques, etc. Des réserves de recrutement parmi les soignants sont constituées, la recherche de matériel, masques et respirateurs en tête, s’intensifie... Avec le PUH, les consultations sont suspendues, à l’exception de celles urgentes et nécessaires, pour se concentrer sur l’extension des soins COVID. Les consignes sont sans cesse adaptées suivant les recommandations de Sciensano.

3. Entraide et soutien populaire

Mercredi 18 mars. Le pays est entré dans sa phase de confinement. Les hôpitaux doivent se remettre en question jour après jour, constituer de nouvelles unités de soins intensifs sur tous les sites, trouver toujours plus de respirateurs et de protections individuelles... En parallèle, la population manifeste un précieux soutien. Aux applaudissements quotidiens à 20h00, s’ajoutent des distributions de nourriture, des propositions d’aides ménagères ou logistiques, des banderoles d’encouragement ou des dons, à hauteur de 90.000 €! Des universités se mobilisent: à UNamur, des doctorants, professeurs, administratifs et technologues bénévoles travaillent d’arrache-pied pour analyser les précieux tests de dépistage.

4. Surmonter le pic

Avril 2020. Plus de 220 patients COVID-19 occupent les unités dédiées et de soins intensifs. La pression est à son comble et les soignants encaissent après quelques semaines d’engagement maximal. Souvent, la peur de l’infection, pour soi et ses proches, s’invite. Une cellule psychologique de soutien aux familles et au personnel est mise en place. Un médecin a l’idée, pour «personnaliser» les soins, de faire imprimer les photos des soignants, invisibles aux patients sous leurs masques et tabliers... 162 patients auront toutefois succombé au COVID-19 au sein des 6 hôpitaux du Groupe Jolimont. Ces derniers seront aussi touchés par le décès du Dr Nicolas Mangbau, médecin urgentiste à Lobbes.

À la mi-mai, 892 tests de dépistage avaient été réalisés au sein du personnel en première ligne de Jolimont, révélant 177 cas positifs.

5. Se redresser et redémarrer

Lundi 4 mai. Le feu vert est donné à la réouverture des consultations hors COVID-19. Un principal mot d’ordre: la sécurité du patient et du soignant (voir en p. 6). L’ensemble de la communauté Jolimont renoue avec des gestes restés en suspens pendant plusieurs semaines, dans un contexte sanitaire en adaptation constante. Toute personne même asymptomatique devant subir une intervention chirurgicale bénéficie, avant celle-ci, d’un test COVID-19. La reprise est aussi essentielle pour ne pas hypothéquer la santé de patients souffrant de pathologies chroniques. La fierté du travail accompli porte les équipes des centres hospitaliers.

Malgré l’inévitable sentiment de peur face au virus, présent chez les soignants également, l’histoire retiendra la mobilisation générale des équipes et la très forte solidarité inter-métiers dès les premiers jours de la crise.

2 questions au Dr Catherine Winant, Directrice Médicale des Centres Hospitaliers Jolimont

Quel est votre état d’esprit au lendemain de cette crise difficile et inédite?

Je suis très fatiguée... Mais je suis également tellement fière de la manière dont nous l’avons gérée. Nos équipes ont tenu, sans s’arrêter, jour après jour, pendant plus de deux mois! Du jamais vu. Nous devions lutter contre une nouvelle maladie dont nous connaissions si peu, en nous adaptant sans cesse... La reprise de nos activités nous offre un tremplin pour nous reconstruire, tous ensemble, après avoir vécu des instants très durs. La solitude des patients était très difficile à gérer. Imaginez: voir une personne guidée aux soins intensifs pour y être intubée, sans avoir pu revoir sa famille, sans savoir si elle se réveillera...

Conservez-vous des souvenirs porteurs d’optimisme des épreuves endurées?

Oui, et je parle au nom de tous. Des équipes de soignants ont géré des unités COVID avec une énergie et une volonté qui font chaud un cœur. Une cardiologue m’a un jour confié qu’elle serait prête à devenir «covidologue» à vie, alors qu’elle avait dû s’écarter de ses propres enfants pour les tenir à l’abri de toute contamination. Tous les métiers se sont mobilisés corps et âme autour de cette crise. Cette force a créé des liens entre les personnes et entre les services de nos hôpitaux. C’est précieux.

Dr Catherine WINANT - Directrice Médicale